La méditation et le jazz 5 : Effortless Mastery de Kenny Werner, Forward Motion d’Hal Galper
- adejinfo
- 30 oct. 2018
- 5 min de lecture
Effortless Motion, Forward Mastery, euh… non c’est le contraire…
Comme je l’ai indiqué dans mon premier article (La méditation et le jazz 1 : Pourquoi le jazz et la méditation ?), c’est la lecture des livres Effortless Mastery de Kenny Werner et Forward Motion d’Hal Galper qui a déclenché en moi l’envie d’explorer les liens entre le jazz et la méditation.
Dans cet article, je souhaite présenter ce qui me parait fondamental dans ces deux ouvrages en lien avec la méditation. Je n’ai pas trouvé de traduction en français de Forward Motion. Il existe une traduction d’Effortless Mastery mais elle est épuisée à ma connaissance. J’espère bien sûr que les quelques éléments que je présente ici inciteront ceux qui n’ont pas encore lu ces ouvrages à le faire.
• Madame Margaret Chaloff
📷Hal Galper, Margaret Chaloff, Kenny Werner
En premier lieu, il est intéressant de constater que Kenny Werner comme Hal Galper ont été les élèves de la très illustre professeure de piano Madame Margaret Chaloff, qui compta également parmi ses élèves Herbie Hancock, Keith Jarrett et Chick Corea…
Kenny Werner la présente comme une figure mystique qui enseignait « le secret de la musique » : le bras du pianiste doit « défier la gravité ». Elle enseigna à Hal Galper que « La technique est dans le cerveau, pas dans les mains. » Les deux auteurs la citent comme étant une personne qui a changé radicalement leur vision de la musique.
Madame Chaloff est l’héritière de techniques liées à la respiration qui se sont transmises de génération en génération de musiciens. On compte parmi eux des gens comme Wolfgang Amadeus Mozart, Ludwig Van Beethoven, Serge Prokofiev, Franz Schubert ou encore Leonard Bernstein. Du beau monde…
• La méditation
Dans son livre, Hal Galper aborde de nombreux concepts, dont le principal est bien sûr le « Forward Motion », le mouvement vers l’avant, qui consiste à penser les premiers temps de la mesure comme des points d’arrivée et non des points de départ. Par ailleurs, il mentionne la méditation et plusieurs concepts s’y rattachant également : La concentration : La concentration mentale intense sur un sujet précis est l’état mental de l’interprète, elle doit être développée, comme dans la méditation. La posture d’apprentissage et la posture de jeu : la posture d’apprentissage est linéaire, intellectuelle, orientée vers un objectif et mécanique. La posture de jeu est juste son opposée. Elle est holistique, orienté sur le processus créatif, intuitive et émotionnelle par nature. « L’imagination vive » : Ce qui se passe dans la tête du musicien va sortir directement sur son instrument. Il faut donc intensifier son écoute intérieure.
Dans Effortless Mastery, la méditation est le sujet le principal. En complément du livre, Kenny Werner a également enregistré des pistes audio de méditation guidée qu’il présente ainsi :
« The exercises on the CD are basically meditations/ visualizations. Their purpose is to help you experience your ”inner space.” This is a state discussed in great detail throughout the book. »
[TRADUCTION] (« Les exercices sur le CD sont des méditations / visualisations. Leur objectif est de vous aider à faire l’expérience de votre « espace intérieur ». C’est un état qui est étudié dans le moindre détail tout le long du livre ».)
Cet « inner space » (« espace intérieur ») est l’état de transe méditative que je mentionne dans mes articles. Pour Kenny Werner, la maîtrise sans effort se produit lorsque le musicien est capable de s’y plonger pour interpréter sa musique.
« I accept whatever wants to come out. I accept it with love. I accept the good and the bad with equal love. Without the drama of needing to sound good, I play from an effortless space. »
[TRADUCTION] (« J’accepte tout ce qui veut sortir . Je l’accepte avec amour. J’accepte le bon et le mauvais avec autant d’amour. Sans dramatiser le besoin de bien sonner. Je joue à partir d’un espace sans effort. »)
« Not only do you practice from the space, but you don’t assume you’ve mastered anything until it plays itself from that space. ».
[TRADUCTION] (« Non seulement vous devez vous entraîner à l’intérieur de « l’espace », mais vous ne devez pas penser que vous maîtrisez quoi que ce soit jusqu’au moment où cela se joue seul à partir de cet espace. »)
« If you look at videos of artists such as Vladimir Horowitz, Miles Davis, Count Basie, Itzhak Perlman and others, you will see how they play from this space. After considering the material in this book, you’ll view what they are doing in a new light. When Miles Davis approached the microphone, he focused himself into that space before playing the first note. There would frequently be long silences between his phrases. In that time, you could see and feel him re-centering himself. That is very rare in jazz musicians today. That practice has the paradoxical effect of heightening people’s awareness and increasing the intensity of the moment. Miles Davis had the audience transfixed before he played the first note! Likewise, when Vladimir Horowitz played, you could see absolute stillness and concentration as he ”watches his hands” play the piece. »
[TRADUCTION] (« Si vous regardez des videos d’artistes tels que Vladimir Horowitz, Miles Davis, Count Basie, Itzhak Perlman entre autres, vous verrez comment ils jouent à partir de cet espace. Après avoir étudié le matériel contenu dans ce livre, vous verrez ce qu’ils font dans une nouvelle lumière. Quand Miles Davis s’approche du micro, il se concentre pour entrer dans son espace intérieur avant de jouer la première note. Il y a souvent de longs silences entre ses phrases. Dans ses moments-là, vous pouvez voir et sentir qu’il se recentre sur lui-même. C’est très rare chez les musiciens de jazz aujourd’hui. Cette pratique à l’effet paradoxal d’augmenter l’attention des spectateurs et d’accroître l’intensité du moment. Miles Davis savait fasciner son auditoire avant même de jouer une note ! De même, quand Vladimir Horowitz jouait, vous pouviez voir son immobilisme absolu et sa concentration quand il « regardait ses mains » jouer l’œuvre. »)
EXERCICE : défier la gravité
Une fois en état de transe méditative, donnez à l’un de vos bras l’intention de se soulever, sans faire le geste consciemment. Vous pouvez imaginer qu’il est attaché à un ballon et que celui-ci va le soulever dans les airs. Laissez le temps à votre cerveau inconscient de faire les choses. Vous pouvez l’aider un peu en donnant une petite impulsion. Vous constaterez ensuite que votre bras se soulève tout seul et semble léger comme une plume. Vous pouvez le laisser flotter un peu dans les airs avant de le laisser se reposer. Si vous avez votre instrument dans les mains et que vous utilisez ce bras pour en jouer, allez-y, jouez une note. Vous constaterez sans doute que le son produit est différent de celui que vous produisez habituellement. Peut-être plus fluide, plus doux, à vous de voir…

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