La méditation et le jazz 7 : Aborder la notion de sacré
- adejinfo
- 30 oct. 2018
- 4 min de lecture
Comme je l’ai précisé précédemment, ma démarche d’exploration se veut avant tout laïque. Mais il faut bien constater que la méditation est associée à toutes les traditions religieuses. Plus que « religieux », le terme « sacré » me semble adéquat pour qualifier les phénomènes qui sont à l’œuvre lorsque l’on cherche à produire une musique empreinte des effets de la méditation.
En effet, le sacré n’est pas forcément religieux par essence.
« Le sacré a toujours une origine naissant d’une tradition ethnique et qui peut être mythologique, religieuse ou idéologique (c’est-à-dire non religieuse). Il désigne ce qui est inaccessible, indisponible, mis hors du monde normal, et peut être objet de dévotion et de peur. » – Wikipédia
De même, la musique ne doit pas forcément être de la « musique sacrée » pour être sacrée. Je n’irai pas jusqu’à dire que toutes les musiques sont sacrées, mais celles qui sont abordées avec sincérité, avec désintéressement et amour de l’art ont des chances de le devenir.
John Coltrane en est des exemples les plus évidents (voir La méditation et le jazz 3 : John Coltrane et la méditation).
Jouer de la musique est un des plus grands accomplissements qu’un être humain puisse atteindre. S’en rendre compte et le vivre pleinement comme la quête d’une vie est une chance inouïe.
Chaque être humain qui se trouve dans cette situation se devrait de respecter le caractère sacré de la musique et de le cultiver pour son plus grand bénéfice et pour celui de ceux qui l’entoure.
J’avance l’hypothèse que c’est au moment où il ressentira le plus profondément cette nécessité qu’il vivra à travers elle ses plus authentiques émotions artistiques.
« In the end, this is really all that we have, […] how do we live with our soul? How do we live with the supreme being? What kind of relation do we have with ourselves through our soul?
This is what’s great about jazz music or improvised music, […] you’re telling the story right now in its realness. What’s weird is that you can go to the stage tired — you didn’t get much sleep, you haven’t eaten, you have to get up early, you had three flights — and you get to the gig and you’re like, ‘Aw, man, I’d just like to sleep.’ But you get on stage and you get amazing inspiration. You don’t know where it comes from. And that’s all, really, that we live for when we go to the stage — to have that thing happen. Because that’s the only moment we have, really. The rest doesn’t exist. »
[TRADUCTION] (« Finalement, nous n’avons que cela, vraiment. Comment vivons-nous avec notre âme ? Comment vivons-nous avec l’Être suprême ? Quelle forme de relation avons-nous avec nous même à travers notre âme ?
C’est ce qui est magnifique avec le jazz et les musiques improvisées, vous racontez l’histoire tout de suite, dans sa réalité. Ce qui est étrange, lorsque vous allez sur scène en étant fatigué – vous n’avez pas bien dormi, vous avez dû vous lever tôt, vous avez voyagé dans trois avions – et vous arrivez au concert et vous vous dites : « Oh, j’ai juste envie de dormir ». Mais quand vous montez sur scène vous avez une inspiration incroyable. Vous ne savez pas d’où ça vient. Et c’est seulement pour cela, vraiment, que nous montons sur scène – pour que cette chose se produise. Parce que c’est le seul moment que nous avons, vraiment. Le reste n’existe pas. »)
John McLaughlin, Interview avec Jon Solomon 2010
EXERCICE : séance de connexion méditation et interprétation musicale.
Cet exercice est inspiré de ceux que Kenny Werner propose. Je le retranscris ici car c’est ainsi que je le pratique. J’ai constaté qu’il est bon de le pratiquer régulièrement, comme tout ce qui concerne la musique… et la méditation.
Trouvez une position propice à la méditation et avec votre instrument à portée de main.
Définissez un objectif de séance. Cela peut être l’exécution d’un morceau, un travail sur une figure rythmique, une phrase mélodique, une gamme etc. Avec l’expérience, la définition de cet objectif sera de plus en plus aisée.
Commencez l’auto-induction de la transe méditative.
Lorsque vous sentez le calme et la détente vous envahir, approchez les mains de votre instrument. Sentez chaque mouvement consciemment, suivez le déplacement de vos membres avec votre esprit. Sentez les sensations que cette action a procurées : le toucher de l’instrument, les petits bruits que les déplacements ont produits.
Sentez le silence sur lequel va se poser la musique que vous allez produire. Elle doit, idéalement, arriver dans la continuité logique de ce silence, ou bruit de fond. Elle va se fondre dans l’espace et le temps et plus cela se fera consciemment, naturellement, en toute fluidité, plus la musique sera belle.
Installez la trame sur laquelle va se poser votre musique. S’il s’agit d’un morceau avec un tempo, ressentez le tempo et la carrure. Vous pouvez même vous chanter une partie de basse ou de batterie si cela est pertinent.
Commencez l’exécution musicale en vous posant sur votre trame. Restez en contact rapproché avec la matière sonore et les sensations tactiles. Imaginez avec acuité ce qui pourrait entourer votre interprétation, une rythmique par exemple, ou un soliste, si vous exécutez une rythmique.
Chantez la musique que vous jouez, dans votre tête ou avec votre instrument.
Gardez votre attention dans la musique, ne vous laissez pas distraire par des pensées parasites. Si cela arrive, revenez dans la méditation, revenez dans la musique.
Investissez tout le corps dans l’interprétation. « Chantez avec votre petit orteil gauche ! ».

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